Le poème en prose écrit par un écrivain tsigane permet de remettre en question le point de vue classique de la mimesis et le point de vue moderne sur la fiction, en créant ce que Jean-Marie Schaeffer appelle une « feintise » fictionnelle , distinguant par là la feintise où le réel donne sa logique au texte écrit, de la fiction qui peut, elle, se passer du réel dans un système interne et clos de significations créant son propre chronotope. C’est là une question de référentialité, puisque se référer au réel, c’est déjà choisir un genre. Or le poème en prose dont on parle ici se réfère à une réalité (une prose du quotidien) qui est fictionnelle pour les gadjé et qui accède de fait à une poéticité, et fictionnelle aussi pour certains Tsiganes. La référence à un quotidien prosaïque est donc simultanément déréalisante pour les non-avertis, et réalisantes pour les autres.