Nous étudions les mécanismes physiopathologiques de la maladie d’Alzheimer dans le cadre de la neuroinflammation, de l’amyloïdogenèse et des dysfonctions synaptiques. Comprendre et combattre les maladies neurodégénératives, en particulier la maladie d’Alzheimer, est l’un des plus grands défis de la neuroscience moderne. La maladie d’Alzheimer est la maladie neurodégénérative la plus dévastatrice, avec un fardeau socio-économique majeur qui est accentué par l’absence de traitements efficaces guérissant ou ralentissant sa progression. Malgré la diversité des thérapies actuellement à l'étude, la découverte d'un traitement curatif ne semble pas être à notre portée à ce stade. Par conséquent, il est urgent d'identifier de nouvelles cibles dans le déclenchement/progression de la maladie et de comprendre les mécanismes moléculaires sous-jacents précédant un déclin cognitif irréversible. Dans ce contexte, notre objectif global est de mieux comprendre certaines des voies protéolytiques qui se situent au croisement de trois processus pathogènes majeurs étroitement interconnectés: la neuroinflammation, l’amyloïdogenèse et les dysfonctions synaptiques. Nos découvertes originales ont placé certaines métalloprotéases matricielles (MMP) comme de nouveaux acteurs de la pathogenèse de l’Alzheimer car elles favorisent la neuroinflammation et l’amyloïdogenèse, et altèrent aussi la transmission synaptique. Par conséquent, les MMPs peuvent devenir de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles. L’axe principal de notre recherche s’articule donc autour de deux objectifs principaux: i) améliorer notre compréhension des mécanismes physiopathologiques de la maladie d’Alzheimer, et ii) élaborer et valider des stratégies thérapeutiques innovantes à partir des cibles nouvellement découvertes. Nous utilisons des techniques de biologie cellulaire, biochimie, imagerie cellulaire et tissulaire, pharmacologie, électrophysiologie et comportement animal. Nous utilisons également des modèles in vivo et in cellulo de la pathologie, en collaboration avec d’autres équipes de l’INP et du monde entier.
Nos recherches visent un double objectif : i) mieux comprendre pourquoi et comment notre cerveau « dégénère » avec l’âge, tout particulièrement dans la maladie d’Alzheimer et ii) mettre en place des stratégies pour contrecarrer ce processus dégénératif.
Avec le vieillissement, notre cerveau devient un peu rouillé et nous sommes moins efficaces dans l’exécution de tâches qui étaient auparavant faciles. Ces déficits fonctionnels, exacerbés dans la maladie d’Alzheimer, nous entrainent progressivement sur le chemin de la démence. Le vieillissement est certes un facteur de risque majeur de la maladie d’Alzheimer, mais pourquoi certaines personnes souffrent-elles d’Alzheimer alors que d’autres parviennent à y échapper ? Cette question fondamentale est non résolue dans la plupart des cas. En effet, un faible pourcentage des cas (~1%) est la conséquence de mutations bien connues sur trois gènes. Les personnes portant l'une de ces mutations sont sujettes à des formes familiales (ou héréditaires) de la maladie, qui apparaît souvent entre 40 et 60 ans. L’immense majorité des cas d’Alzheimer sont dits sporadiques, pour lesquels la cause, ou plutôt les causes, ne sont pas encore connues. Outre le vieillissement, d’autres facteurs de risque contribuent probablement à la maladie d'Alzheimer, incluant la comorbidité avec d'autres maladies (traumatisme cérébral, épilepsie, ischémie, diabète), le sexe, la nutrition, le style de vie, l'inflammation, les infections et certainement une certaine prédisposition génétique. Il est donc de plus en plus admis que la maladie d'Alzheimer résulte d'une combinaison de ces facteurs et qu'un seul d'entre eux ne peut pas être le seul responsable.
Malgré les indiscutables avancées récentes sur la connaissance des bases biologiques de la maladie, nous n’avons pas encore de traitements permettant de la prévenir, de la ralentir ou de la stopper. Faute de traitement, le nombre actuel de 40 millions de patients recensés risque de tripler d’ici à 2050, nous entrainant dans une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent. Ces chiffres donnent la mesure de l’effort Herculéen de recherche et de l’urgence de la tâche à accomplir dans les années à venir afin de démentir ces sombres estimations. La contribution de notre équipe à cet effort de recherche est basée sur la découverte originale que des protéines produites dans le cerveau, connues comme des MT-MMPs, contribuent à des processus pathogéniques et au déclin cognitif dans des modèles animaux de la maladie. De ce fait, nous pensons que les MT-MMPs sont de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles dans la maladie d’Alzheimer. Afin de consolider cette idée, nos recherches avancent sur deux fronts : i) nous cherchons à mieux comprendre par quels mécanismes ces MT-MMPs contribuent à la dégénérescence de nos cellules nerveuses. A cette fin, nous utilisons une panoplie de techniques de pointe, ainsi que des modèles expérimentaux impliquant des souris transgéniques et des cellules souches induites à la pluripotence (iPS) issues de patients souffrant de la maladie d’Alzheimer; ii) nous cherchons à identifier des molécules chimiques ou naturelles capables de moduler les actions pathogènes des MT-MMPs. Nous espérons ainsi ajouter une nouvelle pierre à l’édifice pour lutter contre ce fléau dévastateur qui affecte des patients et leurs familles, ainsi que l’ensemble de nos sociétés. Nous espérons que les connaissances issues de nos travaux ouvriront également des pistes de recherche sur d’autres maladies neurodégénératives dans lesquelles les MT-MMPs seraient aussi impliquées.
1. Étude des mécanismes physiopathologiques de la neurodégénérescence impliquant la neuroinflammation, l'amyloïdogenèse et Des dysfonctionnements synaptiques
Dans la suite logique de nos précédentes découvertes, nous étudions l'impact des MMPs de type membranaire (MT-MMP), en particulier MT1-MMP et MT5-MMP, sur le trafic intracellulaire et la métabolisme de la Protéine Précurseur de l'Amyloïde (APP) tout en prenant en compte l'interaction des MMPs avec des médiateurs inflammatoires majeurs (ex. IL-1β, TNFα) et leurs récepteurs. Nous utilisons ainsi des approches protéomiques dans le but de pouvoir identifier de nouveaux substrats neuronaux physiologiques des MT-MMPs qui pourraient être possiblement impliqués dans la pathogénicité de la MA. Nous étudions les conséquences fonctionnelles de ces interactions moléculaires au niveau électrophysiologique, en utilisant la technique de patch-clamp sur cellules entières, mais aussi par imagerie calcique dans des cultures primaires mixtes de neurones, astrocytes et cellules microgliales. Nous étudions également l'impact fonctionnel chez des souris transgéniques (déficientes pour les MMPs d'intérêt) à travers un panel de tests comportementaux qui permettent d’évaluer l'apprentissage, la mémoire et les comportements émotionnels en corrélation avec les marqueurs de la pathologie. Ces projets sont notamment développés en collaboration avec les équipes de l'INP de Michel Khrestchatisky et de François Roman.
2. Outils d'ingénierie pour moduler l'activité des MMPs et/ou des interactions protéine-protéine
Dans le but de mettre en place des stratégies thérapeutiques ciblées basées sur la modulation des MMPs, il est crucial de développer des molécules capables de cibler sélectivement une MMP donnée. Malgré les progrès récents dans ce domaine, cela reste un défi car les membres de la famille MMP partagent des domaines catalytiques hautement conservés. Ainsi, nous mettons en œuvre des stratégies alternatives en collaboration avec des chimistes et biochimistes visant la découverte et le développement de petites molécules organiques ou d'anticorps neutralisants par le criblage de banques chimiques ou d’anticorps VHH (nanobodies). Les composés sélectionnés sont testés in vitroet in cellulopour leur capacité à moduler les réponses pro-inflammatoires et/ou pro-amyloïdogéniques, totalement dépendantes de l'activité catalytique des MMPs ou de leurs interactions avec leurs substrats. De plus, la capacité des composés sélectionnés à franchir la barrière hémato-encéphalique dans des modèles in vitro et leur optimisation éventuelle est étudiée et réalisée en collaboration avec l'entreprise biotechnologique VECT-HORUS, partie intégrante de l'INP. Ensemble, ces approches in silico, in vitro et in cellulo permettent de sélectionner les composés les plus prometteurs avant que ceux-ci ne soient testés in vivo sur des modèles animaux de la maladie d'Alzheimer.
3. modelisation de la maladie d'alzheimer par des cellules IPS POUR L'ETUDE des mécanismes physiopathologiques et la validation des cibles thérapeutiques
La reprogrammation cellulaire a ouvert de nouvelles voies pour l'étude globale des mécanismes physiopathologiques neuronaux, mais aussi pour tester/valider de nouvelles cibles thérapeutiques. En collaboration avec l'équipe d'Emmanuel Nivet de l'INP, nous réalisons des cultures neuronales et astrocytaires à partir de cellules iPS de patients Alzheimer présentant des mutations familiales (mutation Swedish, double APP...) ou des facteurs de risque (ApoE4). En utilisant par exemple la technologie CRISPR/Cas9, il est possible d'éliminer les MMPs d'intérêt dans des cellules neuronales humaines dérivées d'iPS et d'ainsi étudier l'impact d'une telle carence sur la fonction et le devenir des neurones. De plus, en travaillant sur des co-cultures neurone-astrocyte, nous proposons une approche moins centrée sur le neurone afin de pouvoir discriminer l'impact des astrocytes dans la maladie d'Alzheimer sporadique ou familiale sur la fonction neuronale et vice versa.