Les littératures romani – pour autant qu’on puisse les aborder comme un sujet homogène – ont cette particularité qu’elles ont émergé récemment, dans les années 1930 en Russie, et plus tard encore dans les autres pays. Entre 1939 et 1989, quand ce ne fut pas le silence en termes d’écriture et de publication, il y eut distorsion littéraire par acculturation et instrumentalisation. Il y a donc peu de risques d’envisager la période soviétique comme une ‘parenthèse’, comme certains en sont tentés pour d’autres perspectives. Vingt ans après le changement de régime, on peut déjà périodiser les littératures d’après 1989. Après une première décennie euphorique et relativement dynamique, la deuxième décennie a été celle du désenchantement. Les discours ne participent pas pour autant d’une victimologie. Mais ils renforcent un mouvement identitaire individuel (et non collectif) par l’écriture. La littérature ne conduit ici pas tant à une « communauté imaginée » (au sens où l’entend Benedict Anderson), au contraire, qu’à la volonté de s’ancrer nationalement et comme individu dans sa société.