Histoires (2010): un roman graphique sans histoires

auteurs

  • Kovacshazy Cécile

mots-clés

  • Gypsy
  • Tchecoslovaquie

résumé

Histoires ordinaires ou Contes de la vie ordinaire. O Pribjehi. Histoires, roman graphique de Máša Bořkovcová, Markéta Hajská et Vojtěch Mašek aurait également pu s'appeler ainsi, car les trois histoires présentées ici sont ordinaires et banales, elles sont des récits du quotidien 1 . Et c'est là précisément l'intérêt de l'ouvrage : l'ordinaire, parce qu'il n'est habituellement pas représenté quand il s'agit de personnes tsiganes, devient extraordinaire. Les trois auteurs d'Histoires content les vies de leurs héros dans leur banalité, ce qui permet à ceux-ci de n'être pour une fois pas stigmatisés d'emblée comme « différents », « étranges », « étrangers ». Dit autrement, ces vies singulières ne sont pas rabattues sur une appartenance qui englobe et dissout. Les héros ne sont donc pas « les Roms » au pluriel d'un ensemble confus de personnes sensées être toutes pareilles, mais des subjectivités singulières. Ce sont des hommes et des femmes avant tout, qui sont identitairement aussi des Tchécoslovaques et aussi des Tsiganes.

Trois histoires comme les autres

Trois histoires pour trois itinéraires ordinaires. Albina a 45 ans, elle a vécu la misère avec son mari et ses sept enfants dans un campement rom slovaque ; elle entretient une relation clandestine avec un Gadjo (un non-Tsigane ou « un Blanc », comme on le dit là) venu faire de l'humanitaire dans son village. Ferko a la soixantaine et il a tenté sa chance en Suède avec succès, avant d'en être exclu à cause de sa fille. Keva a 21 ans, elle fait des petits boulots à Prague tout en flirtant d'un homme à l'autre en attendant de trouver le bon. Ce livre déjoue toute tendance essentialiste ou culturaliste : non, « les-Tsiganes » ne sont pas tous pareils et indifférenciés ! Histoires permet de façon salutaire de poser un discours non ethnique sur des personnes bien réelles dans leurs différences. On lit ainsi des tranches de vie qui sont parfois des plus triviales. Le lecteur peut se demander pourquoi par exemple raconter un désaccord banal entre un adolescent et ses parents participe de ce caractère extraordinaire : c'est que le livre contraint à s'habituer au fait que les Tsiganes sont des gens comme les autres. Sans qu'il soit possible de distinguer proprement l'itinéraire individuel de l'itinéraire social collectif (les sciences sociales ne montrent pas autre

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